Forêts anciennes : critères, enjeux et connaissance sur le territoire


Le Parc national des Pyrénées est un territoire particulièrement riche en forêts.
Parmi elles, les forêts anciennes constituent une richesse toute particulière pour la biodiversité des Pyrénées. 

Zoom sur les critères de reconnaissance, la richesse et les enjeux des forêts anciennes du territoire du Parc national des Pyrénées. 

Forêt - Ancienne forêt - Pins - Troncs - Photo © NEDELEC Laurent - Observatoire du Parc national des Pyrénées

L. NEDELEC - Parc national des Pyrénées

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Icône forêt loupe observation sapin - Forêts et activités forestières - Observatoire du Parc national des Pyrénées © Icône WS Interactive LA 2022

Qu'est-ce-qu'une forêt ancienne ? 

Comment définit-on l'ancienneté d'une forêt ? 

L'ancienneté d'une forêt correspond à la période durant laquelle le couvert forestier n'a pas subi de changement d'usage du sol (déboisement pour une mise en pâture ou en culture par exemple).

En France, les scientifiques considèrent qu'une forêt est dite "ancienne" quand l'état boisé est continu depuis le milieu du 19e siècle.

Pourquoi le milieu du 19e siècle

Après une longue période de déforestation intense, le 19e siècle correspond à la période où la surface forestière française était la plus réduite. On parle de "minimum forestier" : la période pendant laquelle la France a été la moins boisée du fait de l'intervention humaine depuis les dernières glaciations (il y a environ 10 000 ans). Avec la révolution industrielle à la fin du 19e siècle, la déprise agricole a été à l'origine d'une progression constante de la surface forestière.

En ayant "survécu" à ces siècles de déforestation, les forêts présentes au moins depuis cette époque sont donc dites « anciennes ». Il est probable qu'une part importante de ces forêts se soit maintenue sur une période plus longue (depuis le Moyen-âge, l’époque gallo-romaine, voire la dernière glaciation).

Par opposition, les forêts qui se sont développées sur des sols non forestiers après le milieu du 19e siècle, sont dites « récentes ». 

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Icône carte forêt analyse - Forêts et activités forestières - © Observatoire du Parc national des Pyrénées - Icône © WS Interactive Edit Forest Flaticon Freepik

Comment repérer les forêts anciennes ?

 

Une méthode nationale pour identifier les forêts anciennes

Quelle méthode utilisée ?

La comparaison de 2 sources cartographiques, l’une ancienne et l’autre actuelle, permet d’identifier les forêts anciennes d’un territoire. 

Quelles cartes de référence ?

En France, la carte d’État-Major sert généralement de source ancienne.
Relativement précise, la carte d’État-Major  a été établie dans les années 1830, période proche du minimum forestier (milieu du 19e siècle).

Lorsqu’elle est comparée à la carte des forêts actuelles produites par l’IGN, elle permet de savoir si les forêts identifiées à l’époque sont encore présentes aujourd’hui.

D’autres sources de données peuvent également être consultées, comme la carte de Cassini (milieu du 18e siècle) ou le cadastre napoléonien (début du 19e siècle).

Les archives forestières et les photographies anciennes viennent apporter des précisions sur l’évolution d’une forêt. Des indices d’usage ancien (place de charbonnage, terrasse de culture, épierrement…) peuvent également témoigner des activités humaines passées.

La carte d'Etat-Major (1830) et la carte IGN actuelle - Secteur d'Urdos, vallée d'Aspe

Carte - 20230710 - Etat_Major
Carte - 20230710 - Scan25

Pourquoi s’intéresser aux forêts anciennes ?


Les forêts anciennes abritent une biodiversité particulière et spécifique.
La flore, les champignons, les lichens, les mousses ou encore les coléoptères saproxyliques (insectes liés au bois mort) sont influencés par l’ancienneté et la qualité des forêts.

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Foret_ancienne_SR_00026420

Forêt ancienne - S. ROLLET - Parc national des Pyrénées

Les sols gardent en mémoire leurs usages passés. Si un sol actuellement forestier a fait l’objet par le passé d’un usage agricole, sa structure (perturbée par les labours, les terrassements) et sa composition chimique (modifiée du fait de l'enrichissement par les déjections animales, les amendements) seront différentes de celles d’un sol qui a toujours été boisé.

Ces modifications profondes perdurent plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires après le retour à un état forestier. Les forêts anciennes constituent ainsi un habitat de qualité pour des espèces forestières sensibles aux modifications du sol.

Ces forêts anciennes sont également d’importants réservoirs de biodiversité : elles abritent des espèces typiques que l’on ne retrouve pas dans les forêts récentes.


Ces espèces sont caractérisées par une faible capacité de dispersion (fort attachement à leur milieu de développement). C’est le cas par exemple du Muguet, qui colonise les milieux très lentement (progression de l’ordre de 30 mètres par siècle).

Fruit de très longs processus naturels, cette biodiversité risque de disparaître si l’habitat est perturbé, par exemple par un défrichement ou un important travail du sol.

La biodiversité spécifique des forêts anciennes est à préserver en elle-même, pour le patrimoine naturel que représentent ces milieux et écosystèmes uniques. 


L'identification et la préservation des forêts anciennes permet de préserver cette biodiversité.

Par ailleurs, ces forêts anciennes participent à la régulation du cycle de l’eau et au stockage du carbone. Elles constituent un écosystème résilient et un patrimoine naturel, culturel et social.

Identification des noyaux de forêts anciennes du territoire

Les résultats

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Icône augmentation-vert- © Observatoire du Parc national des Pyrénées - © WS Interactive 2022

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La surface des forêts du PNP a presque doublé depuis 1850

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Icône stagnation-vert- © Observatoire du Parc national des Pyrénées - © WS Interactive 2022

Stabilité

Des forêts anciennes du territoire du Parc national des Pyrénées

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Icône moitié forêt Forêt et activités forestières - Observatoire du Parc national des Pyrénées - © Icône Flaticon Freepik Forest Attribution Edit WS Interactive

46%

des forêts sont des forêts anciennes

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Icône localisation territoire PNP © Observatoire du Parc national des Pyrénées - © WS Interactive 2022

75%

des forêts récente dans des espaces qui étaient pâturés au 19e siècle

Opérateur : l'UMR DYNAFOR en partenariat avec le Parc national des Pyrénées

Lancement de l'analyse : 2011
Dispositif :  Numérisation & comparaisons de cartes
Modalités : Croisement de données géographiques des cartes d'État-major et de l'IGN.

Synthèse des résultats : 

La surface forestière du Parc national des Pyrénées a presque doublé depuis le milieu du 19e siècle.

La grande majorité des forêts présentes au milieu du 19e siècle s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui, les forêts anciennes représentant aujourd'hui près de la moitié des forêts du territoire (46 % des forêts actuelles, soit 41 404 ha). 

Les forêts récentes, pour leur part, sont situées pour plus des ¾ sur des espaces qui étaient pâturés au 19e siècle.

Les déboisements observés, qui concernent 14 % des forêts de l’époque, peuvent avoir plusieurs origines. Ils sont souvent situés en lisière supérieure de la forêt (2300-2 600 mètres), ce qui peut correspondre à des défrichements complémentaires pour le pâturage estival.

Les déboisements observés peuvent aussi correspondre à des imprécisions de la cartographie de l’époque, compte tenu des difficultés d’accès à ces secteurs.

 

 

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Icône forêt loupe observation sapin - Forêts et activités forestières - Observatoire du Parc national des Pyrénées © Icône WS Interactive LA 2022 reverse

Forêts anciennes et récentes du territoire : quelles différences ?

 
La différence principale réside dans la répartition des essences (espèces d'arbres) : Dans les forêts anciennes, la part des sapins est plus importante que dans les forêts récentes.

Pourquoi ? Car la sapinière et la hêtraie sapinière sont typiques des forêts de l'étage montagnard sur le territoire. Sapins et hêtres sont ce que l'on appelle des essences dryades, que l'on retrouve en fin de dynamique de végétation. Les forêts récentes sont quant à elles plutôt composées d'essences de feuillus pionnières (frêne commun, bouleau, érable, chêne...), typiques de la recolonisation de milieux ouverts.

Les forêts anciennes se situent plutôt en altitude, sur des pentes fortes et sur les versants froids (ombrée).

Pourquoi ? Car les activités pastorales se concentrent généralement sur les secteurs peu pentus et ensoleillés : ces zones ont été déboisées et défrichées pour y faire pâturer les bêtes, laissant la forêt sur les zones ombragées et pentues pour la production de bois. 

Enfin, les forêts anciennes sont généralement plus présentes en forêt communale ou syndicale.

Pourquoi ? Car elles constituaient des réserves de bois pour les collectivités et leurs habitants et relevaient du régime forestier. Les forêts récentes, installées sur d’anciennes zones pastorales, relèvent plutôt de la propriété privée.