Le suivi de la pollution lumineuse
De nombreux acteurs institutionnels ou non sont aujourd'hui mobilisés en faveur d’une réduction de la pollution lumineuse et des politiques publiques sont à l’œuvre en ce sens. Leur pilotage et leur évaluation suppose en premier lieu de pouvoir quantifier le phénomène de la pollution lumineuse puis de suivre son évolution dans le temps. Cela nécessite de disposer d’indicateurs fiables, robustes et reproductibles.
Après quelques années de travail un indicateur a vu le jour. Les résultats de son application en 2020 à l’échelle de la France métropolitaine montrent que 81% du territoire est impacté ou fortement impacté par la pollution lumineuse. Seul 19% du territoire reste préservé et ne subit qu’un faible niveau de pression.
Voie lactée et halo lumineux sur la vallée de Campan - Y. FRANCOIS - AE Médias
Identifier et restaurer la trame sombre
Dès 2014, le Parc national s’est attaché à identifier la trame sombre sur son territoire, dans le cadre de travaux visant à l'amélioration de la connaissance des réseaux écologiques. L'identification de cette trame sombre repose sur une meilleure connaissance de la pollution lumineuse et de ses impacts sur la biodiversité.
En 2018 le Parc national des Pyrénées a souhaité approfondir ces études en étudiant le seuil de sensibilité à la pollution lumineuse de 3 espèces de chauves-souris : le grand rhinolophe, le petit rhinolophe et la famille des murins. Pendant 2 ans, les gardes ont déposé des enregistreurs de sons à différents endroits du parc et durant plusieurs nuits. L’objectif était de définir le niveau de pollution lumineuse maximale supportée par ces espèces. Pour en savoir plus, cliquez ici.
L'objectif est d'améliorer la connaissance afin de définir des zones prioritaires pour la restauration de la trame sombre.
En parallèle de ces travaux, plusieurs suivis ont été mis en place. Ces suivis et leurs résultats sont présentés ci-dessous.
Un suivi engagé dès 2014 par le Parc national des Pyrénées
Méthodes et tendances
Traitement
d'images satellites
Analyse
du parc d'éclairage public
Hausse
de la pollution lumineuse sur certaines zones
Baisse
globale la pollution lumineuse sur le territoire
Lancement du suivi : 2014
Périodes de suivi : Suivi pluriannuel
Dispositif : Cartographie de la pollution lumineuse
Échelle : Brillance du fond du ciel définissant la quantité d'étoiles observables à l’œil nu en un point donné du territoire à un instant T
Modalités : Analyses d'images satellites et étude du parc d'éclairage public en cœur de nuit et en extrémité de nuit
L’étude de la pollution lumineuse d’un territoire repose sur l’exploitation et la combinaison de deux sources d’information distinctes :
- Des images nocturnes du territoire issues de satellites survolant l’Europe la nuit notamment ;
- Des informations relatives aux parcs d’éclairage public où chaque point lumineux est géoréférencé et caractérisé par différents paramètres comme la nature des ampoules (incandescence, vapeur de mercure, LED…), la puissance, et la température de couleur. En connaissant la nature et l'année de mise en place des lampadaires d'un territoire, on peut estimer la qualité et l'intensité de leur éclairage actuel. Cette qualité dépend de la nature des ampoules utilisées (incandescence, LED...), de la configuration du lampadaire (éclairage à boule, tourné vers le sol, en lanterne...) et de l'obsolescence du matériel.
Ces données viennent compléter les informations obtenues par analyse des halos lumineux sur des images satellite.
A l’aide de ces informations, la pollution lumineuse du territoire est modélisée à deux moments particuliers de la nuit. Le premier est appelé cœur de nuit, il correspond au moment de la nuit où la plupart des communes qui pratiquent l’extinction ont éteint leur éclairage public. C’est en cœur de nuit que la pollution lumineuse d’un territoire est donc la plus faible. Elle correspond en général aux créneaux horaires compris entre minuit à 5h du matin.
Cependant, les connaissances disponibles au sujet de l’impact de la pollution lumineuse vis-à-vis de la biodiversité montrent que les espèces dites nocturnes sont particulièrement actives en extrémités de nuit c’est-à-dire au crépuscule et à l’aube. Dans un souci de préservation de la biodiversité, il est donc important de mesurer l’état de la pollution lumineuse durant ces deux périodes clés où la plupart des communes n’ont pas encore éteint leur éclairage public ou bien l’ont déjà rallumé. C’est durant cette période dite d’extrémités de nuit que la pollution lumineuse d’un territoire est la plus forte.
Nous distinguons donc dans les analyses et la présentation des résultats la pollution lumineuse mesurée en cœur de nuit et celle obtenue en extrémités de nuit.
Synthèse des résultats :
Les résultats montrent qu’en 2014 (date à laquelle les plus anciennes images satellites sont exploitables) en cœur de nuit, 66 % du territoire du Parc national des Pyrénées était impacté ou fortement impacté par la pollution lumineuse. A cette date, la situation est sensiblement équivalente en extrémités de nuit car très peu de communes s’étaient alors engagées dans des mesures d’extinction.
- La majeure partie de ces zones se situent en plaine et fonds de vallée, dans des territoires de basses altitudes où se concentrent les activités humaines (centres bourgs, zones commerciale et industrielle...).
- Les zones les plus épargnées par le phénomène sont plutôt montagneuses et peu peuplées, plus préservées de la présence et l'influence des activités humaines.
Tendances évolutives :
En l’espace de presque une décennie l’impact de la pollution lumineuse sur le territoire du Parc national des Pyrénées, a nettement évolué.
En 2022, s’agissant du cœur de nuit, la proportion du territoire impacté ou fortement impacté par la pollution lumineuse était de 44% soit une baisse de près de 22% par rapport à 2014. Autrement dit, plus de la moitié du territoire du Parc national des Pyrénées (56%) bénéficie d’un ciel de qualité en cœur de nuit. Cette évolution tient principalement à la grande proportion des communes du territoire qui pratique l’extinction de l’éclairage public en cœur de nuit. De manière plus marginale, cette évolution est également le fait des efforts consentis en faveur de la rénovation des éclairages publics qui sont aujourd’hui plus compatibles avec la préservation de la trame sombre.
En extrémités de nuit, la situation est différente dans la mesure où ces créneaux horaires représentent traditionnellement les périodes de pollution lumineuse maximale. Il s’agit en effet des créneaux horaires durant lesquels l’ensemble des points d’éclairage public est allumé, y compris dans les communes qui pratiquent l’extinction en cœur de nuit. La proportion du territoire impacté ou fortement impacté par la pollution lumineuse augmente alors pour atteindre 55%. Cette situation reste malgré tout plus favorable qu’en 2014 où cette proportion était de 66%. La rénovation des éclairages publics est pour l’essentielle à l’origine des gains observés.
Un indicateur national pour mesurer et suivre l'évolution de la pollution lumineuse
La prise de conscience générale des nombreux enjeux associés à la réduction de la pollution lumineuse, récemment renforcée par la crise de l’énergie, suscite une implication croissante des différents échelons territoriaux jusqu’à l’échelle nationale.
Dans ce contexte la construction d'un indicateur national s’est imposé. Financé par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et aujourd’hui repris dans l’Observatoire national de la biodiversité (ONB), il a été réalisé en parallèle des derniers travaux du Parc national des Pyrénées sur ce thème. Le territoire du Parc national des Pyrénées a donc été le premier à bénéficier de ces travaux.
Variables prises en compte
Terrain
Le Parc national des Pyrénées
Altitude
et relief du terrain étudié
Nature
et occupation (plaine, bâtiments, forêt...) du terrain étudié
Météo
du jour des relevés effectués pour l'étude
Quelle(s) méthode(s) de suivi ?
La modélisation par croisement de données satellites et géographiques
Comment ça marche ?
La méthode appliquée par le laboratoire DarkSkyLab repose sur le croisement de prises de vue satellites avec des données de connaissance du terrain analysé.
On prend notamment en compte l'altitude, les dénivelés, la nature et l'occupation du terrain (urbain, forestier, présence d'obstacles à la diffusion de la lumière, entre immeubles, collines, forêts...) ainsi que les conditions météorologiques lors des différentes prises de vue.
En croisant toutes ces données, les scientifiques parviennent à modéliser (reconstituer, schématiser) le terrain et ainsi estimer la distance et l'orientation de diffusion de la lumière et de son halo.
Comment se mesurent les résultats ?
Pour faciliter la lecture des cartographies d'études, l'échelle de mesure de la pollution lumineuse peut être synthétisée en 3 grands niveaux :
- Niveau 1 : pollution lumineuse forte (en rouge) ;
- Niveau 2 : pollution lumineuse moyenne (en orange) ;
- Niveau 3 : pollution lumineuse faible à nul (en vert).
Les résultats
68%
du territoire en classe 2 (faible visibilité de la voie lactée)
28%
du territoire en classe 3 (bonne visibilité de la voie lactée, nombreux détails)
Quelle(s) méthode(s) de suivi ?
Le suivi de l'état du parc d'éclairage public du territoire
Comment ça marche ?
En connaissant la nature et l'année de mise en place des lampadaires d'un territoire, on peut estimer la qualité et l'intensité de leur éclairage actuel.
Cette qualité dépend de la nature des ampoules utilisées (incandescence, LED...), de la configuration du lampadaire (éclairage à boule, tourné vers le sol, en lanterne...) et de l'obsolescence du matériel.
Dans quel but ?
En connaissant l’état du parc d’éclairage année par année, on peut estimer l’état de la pollution lumineuse à différentes dates dans le passé.
Ce travail a été réalisé en remontant jusqu’à 2012.
La comparaison de la situation entre 2012 et 2020 permet de mettre en évidence l'évolution de la pollution lumineuse du territoire sur les 10 dernières années.
Eclairage du village d'Aulon après conversion - B. CHARLIER
Sur le territoire du Parc national des Pyrénées, la pollution lumineuse a globalement régressé : une bonne nouvelle pour l'environnement, la biodiversité et notre santé.